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La plateformisation de l’économie : épreuves RH d’un modèle en pleine expansion

Accessiblité PSH

La notion de « plateformisation de l’économie » (ou « uberisation ») désigne un basculement important dans l’organisation du travail : les plateformes numériques, initialement apparues dans des secteurs des VTC ou de la livraison, servent d’intermédiaires entre des clients et des prestataires. Sans recourir au modèle classique de l’employeur-salarié. Mais en s’appuyant sur des travailleurs juridiquement indépendants.

Comment la plateformisation a-t-elle été rendue possible ?


La dynamique a été rendue possible grâce à la montée en puissance des statuts flexibles (auto-entrepreneurs, freelances), à l’explosion d’Internet et des smartphones, et à la demande croissante de services accessibles et rapides. Et ce, dans beaucoup de pays.

Cette transformation ne concerne plus seulement les secteurs des mobilités ou de la livraison. Elle gagne désormais de nombreux domaines. Notamment les services aux entreprises, les prestations intellectuelles ou administratives.

Ainsi, la plateformisation participe à la modernisation de l’économie. Mais en modifiant la notion même d’entreprise, de relation de travail, et de protection sociale.

Les fragilités du modèle : précarité et instabilité pour les travailleurs


Le recours à des travailleurs classés comme « indépendants » permet aux plateformes de se décharger des obligations inhérentes à l’emploi salarié (cotisations, congés, garanties, durée de travail, protection sociale…). Mais aussi de transférer sur les prestataires le risque économique et social traditionnellement supporté par l’employeur.

Dans les faits, cela se traduit par des revenus incertains, une absence de garanties minimales en matière de protection ou de stabilité. Et une forte dépendance des travailleurs sur le volume de missions que leur fournit la plateforme.

De nombreuses études mettent en évidence que, contrairement à la promesse d’entrepreneuriat ou de liberté, les travailleurs de plateforme font face à une grande vulnérabilité : instabilité des revenus, manque de perspectives d’évolution, peu ou pas d’accès à des dispositifs de protection sociale ou de formation.

Le pilotage algorithmique : un nouveau type de management


L’un des aspects les plus caractéristiques de la plateformisation de l’économie est le recours massif au management algorithmique. Plutôt que de recourir à une hiérarchie humaine, les plateformes utilisent des systèmes automatisés pour attribuer les missions, fixer la tarification, évaluer les performances, gérer les notations et, dans certains cas, suspendre ou désactiver un prestataire.

Or ce mode de pilotage pose des problèmes majeurs pour les travailleurs. D’abord, l’asymétrie d’information : les règles (d’attribution, de rémunération, d’évaluation) sont souvent opaques pour les prestataires. Ce qui rend difficile toute forme de contestation ou de négociation.

Ensuite, ces pratiques peuvent générer des inégalités importantes. Pourtant non liées aux compétences, mais liées à des critères « internes » de l’algorithme.

Enfin, l’usage de ces algorithmes renforce le déséquilibre du pouvoir entre la plateforme et le prestataire, qui ne dispose que de peu de visibilité et de marges de manœuvre.

Autonomie revendiquée vs. réalité du travail : l’écart se creuse


Les plateformes mettent en avant la flexibilité : liberté de fixer ses horaires, de choisir les missions, de gérer son activité selon ses envies. Cette promesse de liberté séduit particulièrement ceux qui cherchent des revenus complémentaires, de l’indépendance, ou un travail compatible avec des contraintes personnelles. 

Cependant, l’expérience vécue par de nombreux travailleurs révèle un contraste avec cette vision. Entre pression sur la productivité, incertitude sur le volume de travail, dépendance aux algorithmes, absence de perspective réelle de carrière, ce qui semblait être un choix se transforme souvent en contrainte.

Autrement dit, l’indépendance proclamée par le modèle de la plateforme se heurte à la réalité de l’organisation du travail, souvent subie plutôt que choisie.

Impact sociétal et remise en cause du modèle social traditionnel


Au-delà des implications individuelles, la plateformisation a des effets collectifs : sur le marché du travail, le tissu social et la protection sociale, notamment. Selon un rapport récent, le recours massif à des travailleurs indépendants affaiblit le modèle traditionnel de l’entreprise et fragilise les systèmes de protections collectives et de sécurité sociale.

L’essor de l’économie de plateforme peut conduire à une polarisation accrue du marché du travail, défavorisant les moins qualifiés et rendant plus difficile l’accès à des emplois stables et protégés.

De plus, le modèle tend à externaliser les coûts et les risques (sociaux, économiques, juridiques) sur les travailleurs, tandis que les plateformes maximisent la flexibilité et la réduction des coûts. Cette dynamique peut porter atteinte au contrat social sur lequel reposent les systèmes de protection sociale et, à terme, fragiliser l’équilibre collectif.

Pourquoi la question RH est importante ?


La fonction Ressources Humaines a donc un rôle central à jouer pour encadrer, réguler et rééquilibrer les rapports entre plateformes et travailleurs. Il ne s’agit pas uniquement de dénoncer les dérives, mais d’imaginer un cadre protecteur capable de concilier flexibilité et dignité du travail.

Cela suppose de questionner le statut des travailleurs de plateformes. Lorsque la dépendance économique est réelle, quand les algorithmes dictent l’organisation du travail, le statut d’indépendant semble insuffisant. Il pourrait être nécessaire de repenser les statuts, de garantir des droits minimaux, d’assurer des protections sociales et de reconnaître la réalité de l’activité.

De surcroît, le pilotage algorithmique exige une régulation : transparence sur les critères, explicabilité des décisions, droit à la contestation, portabilité des données, mécanismes de dialogue social. Le contrôle de ces algorithmes serait indispensable pour garantir l’équité, éviter les discriminations, et permettre aux travailleurs de conserver une marge de manœuvre réelle.

Enfin, la reconnaissance des compétences, la formation, l’accompagnement des parcours professionnels des travailleurs de plateformes, ainsi qu’une représentation collective pourraient contribuer à garantir que la plateformisation ne devienne pas un accélérateur de précarité, mais un pilier d’un travail digne et durable.

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